BXL Wildlife regroupe chaque été les marcheurs, chercheurs, touristes et aventuriers lors de parcours urbains pour partager leurs regards et sensibilités sur les manières d'habiter la ville. Déclarée temporairement « Parc National », la région de Bruxelles Capitale devient un terrain d'exploration et de camping. Pour sa troisième édition BXLW a intégré le programme de "Wandering Arts Biennal" et "Park Design » (via des projections plein air, présentations, ateliers, échanges avec les riverains et une exposition au laboratoire pour l'art contemporain "Nadine").Bien que certains itinéraires offrent aux bruxellois une nouvelle approche de leur environnement quotidien, il s'agit essentiellement de découvertes, tant pour eux que pour les participants provenant d'autres villes de Belgique, de France, d'Italie, d'Allemagne ou de Serbie.
Peu à peu le citadin intègre les interdits matérialisés par l'édification de clôtures dont
la légitimité est pourtant contestable. Les propriétaires fonciers, promoteurs et
pouvoirs publics extraient des pans entiers de la ville (souvent pour plusieurs années)
au nom de projets en cours, à venir ou simplement chimériques.
Sous prétexte de les « sécuriser », ces instances font disparaître des espaces de l'imaginaire collectif,
anéantissant ainsi la possibilité de projection du citoyen.
Une fois que ces terrains et ses bâtiments atteignent l'état de délabrement et l'oubli attendu, des mots comme :
salubrité, sécurité, modernité ou encore résurrection sont brandis afin de justifier leurs projets.
Global soundscape
(Thomas Clemenceau et Sarah Debove)
"Durant mon séjour, nous avons habité une variété de lieux et
de paysages urbains bruxellois propices à l’exploration.
Depuis les friches urbaines jusqu'au centre historique nos trajets furent marqués par
des sons aussi diverses que celui des perruches, des trams, des trains,
et surtout des avions."
"Pour moi c’était l'occasion d’arpenter et de découvrir cette ville inconnue
en l’habitant d’une façon unique, immédiate et permanente (24h sur 24 pendant 10 jours)."
Le site de Tour et Taxi (déjà expérimenté deux ans auparavant par BXLW ) est une friche de
près de 30 hectares, elle est le fruit de l'histoire industrielle de la ville.
Le terrain est acheté par la ville de Bruxelles en 1896 afin développer un nouveau port
connecté à la mer par le canal de Willebroek.
Entre 1904 et 1907 on y construits des entrepôts destinés au stockage des marchandises
sous le contrôle de l’administration douanière belge ainsi qu'une gare de marchandises.
Tour et Taxi marque un tournant dans l'industrialisation de Molenbeek et Laeken.
Dès les années 60, la disparition des barrières douanières et le développement des transports routier
mettent à mal l'activité du site et quand les services postaux déménage en 1987 il reste totalement désaffecté.
Pendant 20 ans les projets s'y succèdent, jusqu'à un accord de principe en 2007 qui marque
le début d'un projet de longue haleine.En 2014 quand nous nous y rendons,
la grande majorité du site a encore l'allure d'un champ de bataille.
Nous allons à la rencontre des participants du projet FarmPark
réfléchi par Petra Pferdmenges et Thierry Kandjee
dans le cadre de parkdesing 2014. "Farmpark" est le premier chapitre d'un parc évolutif
accompagnant la transformation d'une partie du site de Tour et Taxi.
Il s’agit de tester un nouveau
modèle d’espace public qui combine les caractéristiques d’un parc et
d’un espace à vocation agricole. Une multitude de projets à petite
échelle sont mis en oeuvre
en collaboration avec les voisins du parc et d'autres intervenant plus éloigné,
créant des connections dans toute la ville. C'est ainsi que l'on y trouve, entre autre,
un four à pain, un potager, un poulailler, une serre, des ruches, quelques moutons ou encore
une table géante assortie de multiples plantes aromatiques.
L'implication du voisinage y est impressionnante, comme une libération après avoir eu
comme paysage durant 20 ans cette végétation anarchique et surtout clôturée dont
les pouvoirs publics ne semblaient pas vouloir s'occuper.
J.02
Après une première nuit passée sur le site, nous entamons une journée de rencontre
avec les usagers de ce nouvel espace public autour d'ateliers de couture,
de sérigraphie et de cartographie. Pour cela, nous bénéficions de l'assistance technique du « Farmtruck »,
créé pour connecter les projets d'agriculture urbaine bruxellois entre eux et
avec « Parkfarm ». Ce camion multifonction est géré par le collectif "Rirbaucout".
Interpellation des gardiens de l'IBGE (pourtant porteur du projet Parkfarm) :
"il va falloir enlever cette tente ! Sinon tout le monde va faire pareil. "
Et si c'était justement notre but ?
Nous
découvrons des chemins méconnus repris par le petite carnet STAPAS que nous présente Andy.
Il s'agit d'un recueil de cartes des « chemins lents » de Bruxelles. Y sont indiqués : les
rues,
sentiers et passages destinés à la mobilité active, où la circulation automobile est limitée.
C'est un outil idéal pour BXLW, sur ces chemins se trouvent des lieux de détente ou de repos au caractère vert,
paisible ou historique. Ces cartes sont dessinées par des habitants dans un cadre participatif.
Une application smartphone est prévue dans une zone pilote.
SON STAPAS
"I was very happy when I found them (the signs). I felt enhanced by a little dose of adrenalin knowing that
there is a group of people very close to me that is hidden and that there are real “signs” in space left
for me to find them. I kept on going until I reached the rails and some really dark and scary area.
I guess the dense vegetation and wind direction that night were particularly eager to hide them:
no light, sound or smell were revealing the spot! And nonetheless, there were around 30 people
normally talking, with a small radio, lamps, candles and having a barbecue!"
Le deuxième lieu où nous passons la
nuit est un potager, situé dans ce que la SNCB appelle
le « le quadrilatère de Bruxelles-Nord » délimité par le croisement des voies de chemin de fer et le canal.
Le potager de la rue François Joseph Navez ou potager « d'en bas » est invisible depuis celle-ci.
Caché derrière les maison, on n'en aperçoit que le feuillage des cerisiers qui donnèrent au quartier
son nom de « Qriekelaar ». Son accès se fait par une grille dont seuls les usagers ont la clé.
Il n'est donc pas un lieu de passage mais plutôt un petit paradis caché
pour quelques jardiniers et leur proches.
Le quartier a vu, dès les années 50, la population aisée fuir le centre ville dévasté par les nouvelles
autoroutes urbaines. Celle ci fut ensuite remplacée par des habitants plus modestes ainsi que par
les travailleurs invités par la Belgique pour faire face à la pénurie de main d'oeuvre du secteur industriel
et par la suite pour endiguer le recul démographique et le vieillissement de la population.
Ce potager dont les habitant du quartier disent qu'il à toujours été là est initialement la friche
laissée par la démolition d'un hôpital au début du 20e siècle.
Ils actuellement la propriété d' « infrabel » qui loue les parcelles à raison de 0,4€/m².
Sa vocation première fut la production des denrées nécessaires à la consommation domestique du voisinage.
Si pour certains usagers, cette fonction reste primordiale, d'autre y voient plutôt
l'espace extérieur manquant à leur habitat. On y trouve ainsi des lieux de détente et de
convivialité dans et entre les parcelles. C'est un lieu de rencontre ou s’entremêlent
les cultures, les savoirs faire et les traditions culinaires.
J.03
Après notre périple à pied et en transports en communs, nous arrivons
sur l'esplanade des expositions universelles de 1935 et 1958, au pied d'un des symbole
des espoirs et des ambitions portée par la ville au cours du 20e siècle.
Ce lieu est aussi celui des transformations successives de Bruxelles et de ses chantiers à
venir.
"Gazon synthétique devant le “Plasticland” (Trademart
Brussels).
Le leitmotiv “Design, Ecology, Emotion”
est inscrit dans l’intérieur climatisé, étanche, entièrement plastique."
Avant de rejoindre nos sacs de
couchages nous partons pour une exploration nocturne
du parc d'Osseghem. Malgré l'étendue de ce parc nous arrivons bien vite en lisière du domaine royal.
son shibari
Créé pour l'exposition pour
l'exposition universelle de 1935 sur l'emplacement d'une ancienne carrière,
on y trouve entre autre un « théâtre de verdure ». Il s'agit en fait d'une salle de spectacle de 3000 places
à ciel ouvert composée de terrasses en dolomie délimitées par des haies.
La combinaison parc d'Osseghem,
de Laeken et domaine royale représente un espace vert
plus grand que certaines communes de Bruxelles. Même si la gestion d'une telle superficie nécessiterait
une implication de grande ampleur des pouvoirs publics, la question de l'ouverture du domaine royale
au public est depuis longtemps dans certains esprits.
L'aménagement de la partie adjacente canal changerait à lui seul le visage de cette partie de Bruxelles
tout en créant de nouvelles connections douces là où pour l'instant la voiture règne en maître.
Départ, direction sud-ouest, destination inconnue.
"Ne demande jamais ta route à celui qui la connaît"
L'homme semble être l'animal le plus simple à pister.
"Les
lieux de camping et les parcours imaginés le matin
sont facilement remplacés par d’autres révélés sur la route,
indiqué par des passants ou imposés par des facteurs météorologiques."
On
s’aperçoit très rapidement de l’importance
d’un robinet d’eau potable ou d’une fontaine dans un parc.
"Chaise en mouvement sous la décoration de Noëlle,
présente dans les rues bruxelloises tout au long de l’année
On a perdu Thomas, le ‘petit’ frère dans l’hôpital que l'on traversait!
On l’attend sur un chemin à la bonne odeur de l’herbe coupée
qui danse avec les brises. Le ciel est bleu clair, on ne reconnait pas les nuages."
Abitare è essere ovunque a casa propria", se projette Ugo La Pietra.
“
Habiter la ville, c’est être partout chez soi” expérimentent les situationnistes.
Après
la traversée de l’hôpital Brugmann et du parc roi Baudouin,
la
pluie nous surprend et nous demandons asile au centre d'art "atelier
34zero ".
Il s'agit d'un
centre d'art contemporain indépendant, fondé en 2014, qui est né des cendres de l'Atelier 340.
Il se donne pour vocation principale l'étude et la promotion de la sculpture et de l'art tridimensionnel,
tant en Belgique qu'à l'étranger.
Le
président concierge
nous présente son "laxatif populo-culturel" ainsi que d'autres projets, notamment: la
deuxième édition de "jette-sur-mer".
C'est un moment d'émotion pour l'un des initiateurs de BXLW puisqu'il
s'agit à la base d'un projet du collectif « tout » qui
quelques années auparavant, fit naître chez lui la conviction que
l'intervention dans l'espace urbain et l'expérimentation ont leur place
légitime dans l'analyse de la ville.
Nous rencontrons aussi l'homme sans qui les "accidents de chasse " de Pascal Bernier
n'auraient pas eu autant de panache, puisque c'est lui qui ramena à l'atelier 340 le phoque empaillé
de cette série après l'avoir trouvé sur une poubelle du quartier.
"Sans se l'imposer comme contrainte, on a essayé de préparer à manger à partir de plantes comestibles trouvés sur site(s) : orties, framboises, herbes , mures,.... Le parcours urbain en autonomie totale est un projet en soi."
Découverte d'un petit paradis au coeur de Forest.
L’artiste Frederic Fourdinier
nous a présenté un soir les parcours qu’il pratique dans la
nature, les espaces périurbains ou industriels en Belgique et au
sud de la France. Ces randonnées sont conduites en petits groupes
d’environs 20 personnes en
autonomie totale, c’est à dire, avec une alimentation très
réduite, constitué uniquement de plantes sauvages comestibles et
différentes techniques pour repérer,creuser et trouver de l’eau (en
fonction du sol humide, des cactus, des roches ou des
arbres qui gardent de l’eau). Le seul ingrédient qu’il ramène au
voyage est le sel, indispensable pour l’organisme qui en activité
physique augmentée en dépense via la transpiration.
"Durant le mois du juin, on dispose d’une variété abondante des vitamines et céréales (la base de la nourriture humaine depuis la période néolithique). Dans les espaces urbains délaissés on voit que la nature a repris ses droits. En traversant les mêmes lieux dans différentes saisons on s’aperçoit que les plantes se déplacent."
Le Farmtruck nous a rejoint.
L'occasion révée pour un moment de confort autour d'un petit film.
La DH 11 avril 2003 (11
ans avant notre passage)
Un
îlot entier visiblement aux proies des squatters et amateurs de sardines grillées.
Un
comité de quartier se plaint de l'état et de l'usage de certains terrains privés laissés en friche .
«Cela fait 40 ans que cela dure, se plaint Danielle Lauters, membre du comité de quartier Van Volxem-Tropiques-Delta. Le propriétaire n'a jamais entretenu ses terrains. Aujourd'hui, ils ressemblent à des bidonvilles. il n'est pas normal que nous soyons sans cesse dérangés par ces désagréments.»
Ces désagréments sont en effet visiblement causés par la présence de jeunes - ou de moins jeunes - venant entretenir un petit potager, élever quelques poules ou lapins ou se taper un petit barbecue à la sardine dès qu'il fait beau. «On ne sait même pas si les gens qui bénéficient des parcelles paient un loyer ou viennent squatter les terrains comme ça, sans rien dire à personne. »
« Ces terrains étant privés, la commune peut seulement exiger la taxe sur les terrains abandonnés.»
« l'insalubrité que créent ces cabanes, poules et autres lapins
s'ajoute désormais un sentiment d'insécurité de plus en plus grand»,
ajoute Danielle Lauters.
l'IBGE, n'a apparemment pas pu intervenir. Quant à la police, «on lui demande tellement souvent de venir qu'ils en ont assez».
Quelques semaines plus tard, les voisins mécontents ont enfin obtenu ce qu'ils voulaient.
"Faire vivre les interstices : une cour minérale délaissée, retrouvée sur la route nous offre un espace de jeux. Des pneus, un frisbee, des crayons, des briques fragmentés, les échos des immeubles qui l’entourent, les regards curieux des habitants. Un terrain pour 123 soleil? ‘cache-soleil’."
Même si l'idée de discrétion nous à guidée dès la première édition, peu à peu nous nous rendons compte que les deux réactions que nous rencontrons sont l’intérêt ou l’indifférence mais jusqu'ici jamais le rejet.
"Les gens gens on tendance à oublier qu'un des intérêts de la ville est l’anonymat. En ville tu n'es pas comme dans un village ou tout le monde t'épie, où tout le monde sait ou croit savoir qui tu es. Ça vaut pour tes voisins mais aussi pour ta famille et tes proches. Tu peux vivre comme tu l’entends, être qui tu souhaites sans avoir besoin de partir loin."
Mais, niveau
fraîcheur, c'est le canal qui gagne.
Le ponton du club d'aviron "les régates" est nettement
moins prétentieux et moins royal que son équivalent de Bruxellois-Est.
Le soleil se couche peux à peu sur le paysage mi-campagne mi-industrie.
Le « ring » que l'on voit au loin nous assure que nous sommes
encore bien dans Bruxelles.
Toujours plus à l'Ouest !
Cette fois nous atteignons les limite de Bruxelles, nous passons le ring.
Nous découvrons un étrange entrelacement entre chemins publics, routes, champs et terrains du « royal amical Anderlecht golf club ». De nouveau les superficies de ses espaces clos semblent insensées aux vues du discours récurant : nécessité de densité, plus de place dans Bruxelles, il nous faut des tours,...
C'est l'occasion d'un moment de détente et de contemplation.
La notion du rapport nature-ville et leurs connotations ont été une thématique fortement présente tout au long du voyage. Est-on toujours dans la ville si l’on se trouve dans un champ, à la frontière de la campagne /à la lisière entre terrains vagues et espaces déterminées qui selon la carte correspond à la (limite) de la région de Bruxelles capitale?
Aujourd'hui nous n'irons pas loin, l'important est de préparer l'accueil des participants pour le gala de clôture,
Le lieu est rapidement trouvé, reste à y créer une atmosphère adéquate.